Synchronicité

Je suis arrivée à Vancouver, après un trajet magnifique en bus: 15h entre les crêtes découpées des Rocheuses, les rivières à l’eau cristalline et les lacs que j’appelle mers.

La ville est très étendue mais pas si dense: il y a peut-être 1 million d’habitants dans la ville même et 2 millions 5 avec la banlieue. Ce qui est frappe de prime abord c’est la nature tellement présente: la montagne ET l’océan si proche. La ville est bordée de nombreuses plages de sable, de parcs (notamment le Stanley park ou on trouve des cèdres centenaires immenses) et de bâtiments pas trop moches pour une grande ville… Peu de gratte-ciels et des quartiers très mixtes à tout point de vue: en général, chaque district est construit autour d’une artère commerciale et quadrillée de rues d’habitations: grandes maisons, jolis jardins, potagers et petits immeubles.

Il fallait que je trouve un luthier, car une fracture de mon violoncelle pliable s’était réouverte: rien de bien grave puisqu’il n’y a aucun impact sur le son, mais quand même, je n’avais pas vraiment envie de laisser trainer. Peu de luthiers ici, va savoir pourquoi je me suis acharnée à essayer d’en appeler un seul: Gerard Šamija, je me dis que ça doit être un gars de l’est sympathique.
Rendez-vous pris, nous découvrons sa maison qui est aussi son atelier, probablement le plus petit atelier possible pour un luthier de contrebasse! Très sympa (il est d’origine croate), on discute de la vie musicale ici: pour lui, la scène musicale est à 90% jazz, il y a bien l’orchestre symphonique de Vancouver, celui de l’opéra et quelques petits orchestres à droite, à gauche mais rien de très consistant semble-t-il. En partant, sachant qu’on se rend dans la montagne tout proche pour faire un peu de rando, il nous prête son bear spray, car oui oui il y a des ours et des cougars dans la forêt à une demi-heure de la ville. Aurons-nous la chance ou le risque de rencontrer enfin notre premier ours?

Nous voilà parti pour 2 ou 3 jours de rando, en bus nous arrivons à la base de Grouse Moutain: c’est La Mecque des Vancouverois: 850m de dénivelé sur 3km, les gens font ça après le boulot pour tenir le coeur en forme!
Avec nos gros sacs à dos, on a mis 1h30, ce qui reste dans une moyenne tout à fait respectable. Suspendu entre des cèdres au diamètre record pour notre système d’attache, le hamac a bercé nos muscles fatigués. Le lendemain, Crown Moutain a accueilli nos efforts du jour, au sommet le 360 degrés est inoubliable. (cf l’article Grouse and Crown Moutains pour plus de photos) En 24h, nous avons fait 1700m de dénivelé positif et 2200m de négatif, chaque muscle me rappelle son existence et ses insertions…DSC_0192.jpgAu sommet, j’avais l’impression d’être dans un café de Vancouver…nous y avons rencontré pas mal de locaux et aussi un Monsieur japonais de 74 ans qui n’avait pas l’air d’être fatigué pour un poil. Deux ans auparavant, il a gravi le Kilimandjaro. Il nous a donné l’adresse de son restaurant à Richmond, c’est sûr on va aller y faire un tour! Les gens sont vraiment sociables, il est très facile de communiquer avec eux, si tu demandes un conseil dans la rue, les gens vont s’arrêter pour t’aider, demander aux gens autour d’eux, te proposer de t’emmener, on peut discuter de tout et de rien avec quasi n’importe qui… Tout ça avec le sourire et une bonne énergie.

Au retour de notre rando, nous allons chez Gerard récupérer bébé cello: entre temps, il m’a envoyé des liens vers des cafés et bars où écouter de la musique live, des chouettes groupes de jazz et de musique ancienne, et aussi pour me tenir au courant de l’évolution de son travail sur mon instrument! Jamais un luthier n’avait été si attentif. Peut-être est ce aussi du à sa curiosité lié à mon instrument… Il a transmis mon contact à un de ses amis contrebassiste, Russell qui apparemment, a pas mal de plans pour jouer.

Une heure après je reçois un mail de sa part, il propose de se rencontrer, de jouer, mais pas sûr de l’heure, il dit qu’il me recontacte plus tard. Nous nous posons donc dans un café pour mettre un peu à jour mails, blog, et tutti quanti. Cela n’arrive pas souvent que l’on se mette tous les deux à l’ordi et la tablette pour écrire dans un lieu public. Cela commence à faire partie de notre routine de voyageur! Ca change et c’est bien: le café est bon et la musique aussi.

Il est 19h, le café ferme nous marchons sur Broadway sans trop savoir que faire ni où aller en attendant des nouvelles de Russell. Alors que nous discutons de l’incroyable potentiel de la ville, quelques notes de blues s’échappent d’un bar non loin: nous avons trouvé l’endroit idéal, le Fairview pub où un groupe de blues joue tous les vendredi soir. Le bar est rempli de cinquantenaires en forme qui se déhanchent sur le dance floor; une Ambrée locale à la main (la Stanley park), nous savourons 2 heures de blues énergisant.

Des nouvelles de Russell: “je peux venir vous chercher en voiture pour aller à un hub d’artistes.” C’est juste parfait, je récupère mon cello et c’est parti: Russell est de Winnipeg, mais il est installé ici depuis un bout’. Il joue dans plein de groupes, fait aussi des mariages et des fêtes; il a un calendrier bien rempli car les cachetons ne sont pas très payants: 25 à 150 dollars au mieux la soirée.
Nous arrivons dans une sorte d’appartement-salon: projet d’artiste locaux, ils louent cet endroit et font payer l’entrée et les consommations pour payer eux-mêmes le loyer. L’adresse reste ‘secrète’, car ils n’ont légalement pas le droit de vendre de la bière sans autorisation. Nous sommes au Canada! C’est tout petit, il y a une mini expo d’art visuel, et une belle scène où se prépare un couple de guitaristes. Je suis curieuse, ça a l’air assez select, il n’y a que des caucasiens de Vancouver. Puis la sauce prend, le premier groupe Interstellar Medium (Andrea et son copain Jimmy) ouvrent le bal avec des mélodies jazz sur fond de guitare rythmique, pour laisser ensuite la scène à un groupe de funk, Electric Monks. Ca danse, rigole et l’ambiance se détend!
Il y a environ 25 personnes, mais la discussion est facile à entamer avec chacun, nous avons une proposition pour aller voir de l’impro dimanche, un autre concert lundi et mercredi soir… L’agenda se remplit, j’ai l’impression de revivre mes premières années à Bruxelles!


Il commence à faire jour, je me réveille dans un conservatory: une pièce sur le toit d’un immeuble envahi de magnifiques plantes vertes, plantes grasses: où sommes-nous?

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Je refais le film dans ma tête, ah oui, la soirée select avec le group de funk. Jeanette, une amie de la chanteuse, a besoin d’un chauffeur pour la reconduire chez elle, Dan se propose et elle nous propose de nous loger. C’est tellement simple! Son appartement se trouve dans une coopérative, ce fameux concept cher aux Canadiens, dont l’inspiration commence à gagner l’Europe! Ici 7 étages d’appartements se partagent des jardins et deux immenses terrasses avec barbecue, potager, aire de jeux pour les enfants avec vue sur l’océan, la montagne, la ville: il suffit de tourner sa chaise!

Elle paye 600 dollars par mois pour un 40 m²: ca change des 2200 dollars pour un appart de 60 m²! Vancouver reste une des villes où l’immobilier est juste accessible aux millionnaires. En consultant les annonces, on ne voit que des maisons de plus d’1 million 5. Elle est responsable du syndicat des employés de poste, passionnée de post crossing – envoyer des cartes postales à n’importe qui dans le monde, sauf qu’elle fabrique elle-même des enveloppes, des cartes qui sont de véritables oeuvres d’art!

Son adage: nous sommes beaucoup plus similaires que nous sommes dissimilaires. Pour elle, tout était fait pour que nous nous rencontrions: le luthier -> Russell -> le collectif d’artistes -> Andrea la chanteuse -> Jeannette 🙂

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