Pour arriver à Real de Catorce, ancien village minier, il faut passer par ça:
L’ancien tunnel de la mine fait plus de 2 kms et nous mène au village situé à environ 2700 m d’altitude.
Olivia nous a prévenu qu’il fallait absolument qu’on aille expérimenter l’énergie du désert, ou Wirikuta, et visiter la montagne sacrée des Huichols, el Cerro Quemado.
Entièrement pavé, le village est très charmant. Nous ne pouvons nous empêcher de penser à Iruya, dans le fin fond de l’ouest argentin, un petit village magique, complètement paumé.
Après 1h30 de tergiversations, nous décidons d’aller suspendre ce soir notre hamac dans le Pueblo fantasma, le village hanté non loin sur la montagne. L’autre option était de payer une chauffeuse de jeep pour qu’elle nous amène dans le désert, et y dormir. Et aussi, nous nous sommes mis d’accord avec un caballerango, demain à 7h du matin nous avons rendez-vous sur la Plaza de Armas pour partir à cheval dans le désert et sur la montagne sacrée. J’ignore encore si c’est une bonne idée tout ça: il nous a dit que cela pouvait durer 7 à 8h…
Il n’y a qu’un arbre ici, mais heureusement pour nous il est assez grand et les branches assez éloignées les unes des autres pour que l’on puisse y soigner notre hamaquite. Pas encore vu de fantôme, ce n’est pas si effrayant un village hanté! Mais la nuit commence à tomber et il fait vraiment froid. Nous avons laissé une partie de nos affaires chez Olivia à San Luis, et avons préparé nos sacs trop vite: on a oublié les matelas isolants… Prévenus que ça pouvait cailler un peu, nous avions pensé à acheter des allumettes dans le village pour se faire un bon feu. En faisant le tour des ruines, nous ne trouvons que du cactus séché un peu humide, ni brindilles ni branches sèches. On essaie quand même avec le cactus, j’ouvre la boîte d’allumettes. Je n’en ai jamais vu des aussi petites, 1mm de diamètre c’est pas énorme, vas-y pour faire un feu avec du cactus humide et des allumettes liliputiennes…
C’est mal parti. Autre déconvenue, nous avons oublié de racheter une bouteille de gaz pour se faire à manger. C’est assez frugal de partager un avocat et une barre de céréales à deux pour le dîner, de toute façon le froid nous rappelle qu’il vaut mieux se dépêcher de se mettre dans les sacs de couchage plutôt que de perdre de la chaleur à digérer…
La nuit a été fraîche, mais heureusement courte puisqu’à 6h20, nous sommes debouts pour ranger les affaires et rejoindre notre destinée.
Alejandro sera notre guide. Il nous prévient que ça va être une randonnée magique… Dans les dix premières minutes, Dan a déjà changé deux fois de cheval. La route est vraiment pentue, et nous croisons les habitants du village voisin qui monte travailler.
Le cheval blanc s’appelle Conejo, lapin en espagnol…
La brume s’est un peu levée, nous voilà en plein milieu du désert. (petite pensée: heureusement que nous ne sommes pas venus dormir ici hier)
Il est 10h30, nous faisons une pause. Alejandro commence à nous parler du peyote. Je ne suis pas bien sûre de comprendre de quoi il s’agit, ce serait un cactus sacré consommé uniquement par le peuple Huichol et considéré comme une divinité. Puis, il nous dit que les touristes sont tellement venus en piller dans le désert que le gouvernement mexicain a dû imposer une loi et que seuls, les Huichols sont habiletés à les cueillir et les manger. Je commence à voir plus clair, notre ami peyote ou hikuri en langue huichol, est un cactus hallucinogène. Pourtant les Huichol ne résident pas ici, chaque année, donc, ils organisent un pélerinage qui les mènent des régions plus à l’est, juqu’au lieu de naissance des peyotes, ainsi qu’au cerro Quemado. C’est le seul endroit au monde où pousse ce cactus.
Vous arrivez à repérer le petit farceur?
Nous voyant pas du tout au courant de sa présence, Alejandro nous a donc proposé d’y goûter, et de faire le trajet vers la montagne sacrée comme le ferait les Huichol. Dan paraît sceptique, mais je me dis que notre guide doit bien porter son nom.
Le goût est vraiment immonde, acide et amer: prenez le truc le plus amer que vous connaissez et multipliez ça par 50 . Pleine de respect envers la divinité des Huichol, j’arrive très péniblement au bout de mon demi cactus.
Il est temps de repartir, et j’ai un peu la nausée…
Les effets du peyote sont variés, mais Alejandro nous rassure qu’avec la quantité que nous avons mangé, nous n’avons aucun risque de voir les buissons se transformer en assiettes à soupe volantes.
Alejandro fait accélerer la cadence des chevaux, apparemment nous sommes loin d’arriver. Dès que Conejo se met à trotter, Dan se met à pester et j’entends quelques grognements de douleur, l’équitation ce n’est pas son truc…
Il est 12h30. De manière intermittente, j’ai chaud, la nausée, les idées moins claires. J’ignore si c’est la faim, la fatigue, la chaleur ou le peyote. Toujours est-il que Dan peine toujours autant… je sens aussi mes muscles des jambes et les os de mon derrière. Nous grimpons depuis plus de 2h déjà, je vois le chemin devant nous, j’ai l’impression que ça ne finira jamais. Mais c’est magnifique, il y règne un calme infini et les couleurs sont saisissantes.
14h30, Dan est descendu de cheval, il marche à côté de lui. Nous apercevons enfin le cerro Quemado… le reste du chemin doit se faire à pied. Quand je descend à mon tour de cheval, je n’arrive pas à marcher, j’ai la sensation d’avoir les genoux à l’envers et une selle toujours entre les jambes. Alejandro nous mène jusqu’à un premier lieu d’offrande.
Leur lieu de culte est gardé en permanence par deux Huichol, en l’occurence ce sont deux enfants, qui parlent une langue que je ne comprends pas. Ce peuple est connu pour avoir réussi à garder son indépendance, même jusqu’à l’arrivée des conquistadors, et aussi à résister à l’autorité catholique. Aujourd’hui, ils doivent encore se battre contre une compagnie minière canadienne qui prévoit d’extraire sur leur montagne sacrée. Certains anthropologues pensent que le caractère assuré et trempé des Huichol est favorisé par la consommation du peyote.
L’énergie y est particulière, quand je ferme les yeux, je commence à voir des formes et des points de couleur très intense. Surtout orange. Il n’y a plus de limites, qu’elles soient temporelles ou sensorielles.
Le village n’est plus qu’à 1h de cheval. Les cris des enfants, des travailleurs, le caquètement des poules arrivent à nos oreilles. Nous revenons à la réalité, le voyage nous semble avoir duré plusieurs années. Vermoulus, nous avons du mal à marcher. C’est comme si quelqu’un qui ne faisait jamais de sport venait de courir un marathon.